Il y a des fois où ça "devrait" partir, mais ça ne part pas. Il y a aussi des fois où le premier y va prudemment, puis le 2e; on se dit que finalement c'est bon, puis tout d'un coup tout s'en va. Pourquoi? La réponse à ces "mystères" tient au fait que le déclenchement résulte de plusieurs phénomènes en série. Il suffit qu'un seul de ces maillons ne fonctionne pas pour que la chaîne infernale s'arrête, et que rien ne se passe, jusqu'ai moment où...
- 1 : Le premier maillon est l'initiation de la fissure basale par effondrement de la couche fragile (CF). Elle peut céder sous l'impulsion d'un skieur ou d'une détonation, qui lui est transmise par la plaque. Si celle-ci est trop épaisse ou trop rigide, cette impulsion peut ne pas suffire à endommager la CF. Mais si l'impulsion réussit à l'endommager, comme la taille critique de Griffith est de l'ordre de quelques dizaines de cm, donc plus courte que des skis (billet no1), la fissure basale commence à s'étendre rapidement sous la plaque.
- 2 : La question qui se pose alors (2e maillon) est de savoir si la vitesse d'écoulement des cristaux de la CF est suffisante pour que l'expansion se généralise (billet no4). Si la plaque n'est pas assez lourde, si la pente est trop faible, tout se recolle. L'effondrement et le début d'expansion se traduiront par un simple whumpf, et peut être un petit serrement de cœur pour les skieurs! Sinon, on passe au 3e maillon.
- 3 : La CF s'est maintenant étendue sur une grande surface. La plaque, qui n'est plus accrochée au substrat de vieille neige, se retrouve donc suspendue dans la pente par le haut. Pour que l'avalanche se décide à partir, il va falloir qu'une fissure sommitale s'ouvre. A mesure que la fissure basale s'étend, la taille de la zone suspendue augmente, ainsi que la tension interne en haut de la plaque. Si cette tension vient à excéder sa résistance locale, préférentiellement sur un point faible, une fissure sommitale pourra s'amorcer.
- 4 : Mais là aussi le critère de Griffith (billet no1) s'applique : si la taille de l'amorce est inférieure à la taille critique, on pourra apercevoir une fissure stabilisée en haut de la plaque, mais tout s'arrêtera là. C'est ce qui peut se produire par exemple si la plaque s'est partiellement recollée au substrat (billet no 4). Cela diminue la tension dans la plaque, et sous faible tension, la taille critique peut devenir si grande qu'elle n'est jamais atteinte (voir l'équation de Griffith dans mon 1er billet). C'était là la toute dernière chance avant le déclenchement. Sinon, toutes les conditions sont réunies, la fissure sommitale devenue instable s'étend rapidement, la plaque se décroche, et l'avalanche se déclenche.
Un skieur amorce une rupture dans la couche fragile à cause de la brève surpression qu’il exerce localement :
La fissure s'étend sous l'effet du poids de la plaque (Louchet & Duclos 2005) :